Parcours d’anciens #10 – Mathématiques à l’Université, de la licence au doctorat
Un peu de présentations
Qui suis-je ?
Bonjour à vous chères lectrices, chers lecteurs. À travers ces lignes, j’espère vous présenter au mieux mon parcours depuis mon passage à La Ramée. De la licence au doctorat, je vais vous présenter mes études dans les mathématiques que ce soit vers le côté recherche mais aussi la voie de l’enseignement. Je vous invite donc à prendre quelques minutes pour m’accompagner à travers cet article.
Je vais commencer par me présenter. Je m’appelle Clément Lefèvre, footeux depuis tout petit et passionné d’eSport en grandissant, ce sont les mathématiques vers lesquelles je me suis tourné dans ma scolarité et mon travail de thèse aujourd’hui. Je suis passé par les couloirs de La Ramée entre 2012 et 2015 et j’ai ensuite suivi un parcours universitaire sur Amiens à l’UPJV (Université de Picardie Jules Verne). En commençant par terminer ma licence, puis en terminant deux masters et avec l’obtention de l’agrégation, je suis maintenant en deuxième année de doctorat au sein du LAMFA (Laboratoire Amiénois de Mathématique Fondamentale et Appliquée), en contrat doctoral avec le CNRS (Centre National de la Recherche Scientifique) avec soutien du projet ANR Fatou (Agence Nationale de la Recherche) et je suis moniteur (chargé d’enseignements) pour l’UFR des Sciences, j’interviens de la Licence 1 à la Licence 3.
L’université et sa vie étudiante
L’UPJV a été créée dans les années 60 pour combler le manque de cursus complets dans la région picarde. Après plus d’un demi-siècle d’évolutions, en 2021, l’UPJV, c’est 32 000 étudiants en formation initiale ou continue, 6 campus (Amiens, Beauvais, St-Quentin, Creil, Laon, Cuffies-Soissons), 4 domaines (Arts, lettres, langues – Sciences humaines et sociales – Droit, économie, gestion – Sciences, technologie, santé), 128 diplômes (12 DUT – 26 Licences – 37 Licences Pro. – 53 Masters), 11 UFR, 7 instituts dont 1 INSPÉ, 35 unités de recherche (6 associées CNRS, 2 INSERM, 1 INERIS et 1 INRAE) et 2 écoles doctorales.
Plus particulièrement, que ce soit pour mes cours ou pour me rendre au laboratoire, je fréquente l’UFR des Sciences. Les locaux se situent dans le quartier Saint-Leu (au nord du centre-ville), non loin de la place du Don et à quelques pas de la cathédrale. Diverses associations étudiantes sont établies et vous accueillent peu importe votre année d’arrivée à l’université. Je rejoins les propos tenus dans un précédent article qui parlait de la vie à Amiens, il y a en effet de belles balades à faire (hortillonnages, centre-ville, parcs). Bien-sûr, qui dit Saint-Leu et place du Don, dit quartier bien connu des étudiants pour les bars et restaurants (qui hors période de COVID) vous permettront de passer de bonnes soirées.
La formation universitaire
En L3 et M1, vous allez tout voir ou presque dans les bases et fondamentaux des mathématiques pour vous préparer au mieux à l’année de M2 où les notions étudiées sont plus spécifiques à un domaine précis. On y étudie la topologie, l’analyse réelle, complexe, fonctionnelle, numérique, la théorie des groupes, les corps et anneaux mais aussi la cryptologie, les systèmes d’équations différentielles ordinaires ou partielles et la data science. Vous pouvez trouver les programmes sur le site de l’UFR des Sciences de l’UPJV.
Parlons maintenant du fonctionnement des cours à la fac. Tout d’abord, vous pouvez regagner le parcours universitaire à chaque rentrée dès lors que vous possédez les fameuses équivalences. En effet, ceux et celles d’entre vous qui sont en prépa doivent être en parallèle inscrits à la fac pour gagner les crédits ECTS. C’est ce qui sert au niveau européen comme moyen de compter votre nombre d’années d’études post-bac. Pour valider un semestre, il vous faut 30 crédits donc 60 pour une année. Si vous arrivez de prépa, vous pouvez donc directement passer en L2 (Licence 2) avec 60 ECTS et en L3 (le plus courant) avec 120 crédits, ce que vous avez en sortant de deux ans de prépa (la 5/2 ne vous permet pas de gagner une année supplémentaire). Ainsi, vous ne perdez donc pas deux années parce que vous vous réorientez.
Pour valider les semestres, il y a une liste de cours obligatoires que vous devez suivre. Cela vous fait déjà un certain nombre d’ECTS qui est en fait inférieur à 30. Pour combler ce manque, il y des cours qualifiés d’optionnels parmi lesquels vous devez en fait, faire un choix pour arriver à vos 30 ECTS par semestre. À noter qu’en mathématiques, à tous les semestres pairs à partir de la L3, vous devez faire un mémoire (plus ou moins long et conséquent selon l’année d’études) où vous êtes encadré par un enseignant-chercheur du LAMFA.
Pour le parcours universitaire classique qui débouche sur un diplôme de master recherche et qui permet de continuer en doctorat, la L3 et le M1 sont communs à tous mais le M2 de mathématiques à l’UPJV se divise en deux branches. Il y a le parcours AAM (Analyse Appliquée et Modélisation) et le parcours ATNA (Algèbre Théorie des Nombres et Applications) en commun avec les universités de Paris 6 et 7. Pour en savoir plus, vous pouvez consulter le site du LAMFA et ses masters. En M2, l’année passe assez vite dans le sens où vous avez un semestre entier où vous pouvez faire soit un mémoire soit un stage en entreprise.
Il y a aussi la possibilité de se diriger vers l’enseignement. Depuis quelques années, il y a un parcours enseignement dès la L3 afin d’avoir des heures de maths remplacées par des heures sur la pédagogie par exemple tout en restant dans la promo des L3 maths. À partir du M1, pour le concours de professeur des écoles ou le CAPES, il faut vous inscrire en master MEEF (qui n’est pas en commun avec le M1 maths) où les cours sont principalement donnés à la citadelle d’Amiens (ce sont les nouveaux bâtiments situés non loin de l’UFR des Sciences). En ce qui concerne l’agrégation, vous pouvez passer le concours en externe en M2 après un M1 maths. Le LAMFA gère un M2 « prépa agrég » au sein de l’UFR Sciences.
La préparation à l’agrégation
Comme évoqué précédemment, après un M1 maths, il est possible de continuer en M2 maths de recherche ou bien de préparer l’agrégation. Il y a donc un M2 en mathématiques qui vous permet de préparer le concours mais aussi de valider un master 2 enseignement comme si vous aviez fait MEEF. Comment se passe le concours ? De façon similaire aux concours que vous préparez en prépa CPGE, il y a une phase écrite et une phase orale. Pour les épreuves écrites, ce sont deux écrits de 6 heures chacun : l’un sur l’analyse en général et l’autre sur les mathématiques fondamentales (plutôt algèbre et géométrie). Pour les oraux, il y a tout d’abord deux oraux sur des leçons à travailler au préalable (il y en a une petite centaine), vous avez 3 heures de préparation le jour J pour faire un plan détaillé de toutes les notions que vous mettriez dedans. Ensuite, devant le jury, vous avez 5 minutes pour défendre vos choix puis vous êtes interrogés sur un développement, c’est-à-dire un théorème ou un gros exercice à détailler et à faire en live. Puis suivent des questions pour que le tout fasse une petite heure. Il y a un troisième oral sur une option que vous choisissez à l’inscription parmi probabilités et statistiques, calcul scientifique, algèbre et calcul formel et enfin informatique. Si vous voulez voir à quoi ressemble un sujet d’écrit ou une leçon, vous pouvez consulter le site agreg maths.
Pendant toute l’année, vous avez ainsi un écrit blanc par semaine, vous passez en leçon plus ou moins souvent (2 à 3 fois par semaine en moyenne ici) selon la taille de votre promo. Les écrits se passent généralement en mars et les oraux en juin/juillet. C’est une année chargée et intense mais qui vous permet vraiment de tout revoir et de prendre du recul face à toutes ces connaissances.
Le doctorat
Dernière étape universitaire dans le fameux système LMD, le doctorat est, en plus d’être la fin de votre formation et de vos études, votre premier job puisque vous avez un CDD (de 3 ans en général) qui vous finance pendant la durée de votre thèse. Comment obtenir ce financement ? Il y a plusieurs possibilités. Logiquement, vous avez déjà contacté et/ou été contacté par des chercheurs pouvant vous encadrer et donc la recherche de financement ne se fait pas seul. Les universités et régions proposent des bourses doctorales pour lesquelles il faut postuler et passer devant un jury. Il y a aussi les ANR et le CNRS qui peuvent financer une thèse. Vos encadrants et futurs directeurs de thèse sauront vous aiguiller. Dans le cas où vous n’avez pas a priori d’encadrants, il y des sites où trouver des sujets proposés pour un travail de thèse et donc se retrouver dans le cas précédent.
Après cette démarche, vous voilà enfin dans le monde de la recherche en mathématiques. Même si un doctorant est encore un étudiant et a accès à toutes sortes de formations via son école doctorale, vous faites maintenant partie d’un laboratoire de recherche, ici le LAMFA pour les maths à Amiens. Vous découvrez donc les séminaires, colloques et conférences et aussi tout le travail de lecture et de compréhension des articles mathématiques sur lesquels vont se baser votre thèse. L’accès à toute cette bibliographie est géniale et passionnante et les conférences vous permettent de rencontrer d’autres mathématiciens qui seront peut-être de futurs collaborateurs. Par exemple, j’ai eu l’opportunité d’aller passer une semaine de conférence internationale au CIRM (Centre International de Rencontres Mathématiques) près de Marseille.
En plus de suivre et apprendre lors ce type d’évènements, vous aurez l’occasion de partager et faire des exposés sur vos travaux et même de publier un article. Je précise qu’une thèse de mathématiques peut aussi être pluridisciplinaire. Dans le labo, il y a beaucoup de collaborations avec la médecine, l’écologie ou la chimie des batteries. La soutenance de votre thèse viendra conclure votre doctorat qui vous permettra d’obtenir le titre de docteur.
En plus de toute ces activités liées à la recherche, vous avez également la possibilité de devenir moniteur (d’autant plus si vous êtes agrégé), c’est-à-dire de donner des heures de TD
généralement en Licence.
Et ensuite ?
Je ne suis pas encore à cette étape mais voici dans les grandes lignes ce qu’il est possible de faire après la thèse.
Premier cas, vous avez aimé la recherche mais vous préférez finalement vous tourner exclusivement vers l’enseignement. C’est possible ! Si vous avez déjà un concours d’enseignement, il vous suffit de faire une demande auprès de votre rectorat et pour l’agreg, il existe un concours spécial pour les docteurs. Avec l’agrég en poche, vous pouvez prétendre à un poste en collège, lycée mais aussi en classe prépa ou autre établissement supérieur. Par exemple, il y a des postes PRAG à l’université pour les personnes qui font uniquement de l’enseignement.
Un deuxième cas est celui où vous ne voulez faire que de la recherche. Alors, il faut postuler pour des post-doc qui seront un prolongement du travail de thèse (même si le sujet peut changer) où vous travaillez en collaboration avec d’autres chercheurs. Cela peut durer jusqu’à quelques années selon les cas. Puis après, vous pouvez devenir chargé de recherche au sein d’un laboratoire.
Enfin, si vous souhaitez mêler recherche et enseignement, il y a encore la possibilité de faire un post-doc et ensuite d’aspirer à devenir maître de conférences puis professeur des universités.
Mon parcours
Après ma 5/2 à la Ramée, je suis donc allé en L3 maths en sachant que je voulais faire des maths mais sans trop d’idées derrière. Après un temps d’adaptation au système universitaire, je me suis fait au rythme des cours et ne plus avoir de grosses soirées de travail fut appréciable. Attention tout de même à ne pas tomber dans la facilité et ne rien faire car ça se paye cash lors des partiels et examens. En M1 par contre, j’ai retrouvé un emploi du temps dense et une charge de devoirs plus conséquente.
Après ces deux années, j’ai décidé de tenter ma chance à l’agrégation, j’ai donc continué en M2 agrég. Ce fut une année très intense et difficile où toute l’énergie passe dans la préparation au concours. Cette période s’est bien terminée pour moi pour deux raisons : j’ai été reçu au concours et le projet de thèse est né suite à la rencontre avec mes actuels directeurs de thèse. Il me manquait un master recherche de maths pour commencer le doctorat, ce que j’ai fait par la suite, je suis allé en M2 AAM (présenté avant) motivé car je savais que je travaillais aussi pour le doctorat. Cette année fut très instructive car avec le mémoire, j’ai pu commencé à participer aux séminaires et conférences du laboratoire.
Depuis septembre 2019, je suis donc en thèse au sein du LAMFA. Je travaille en dynamique complexe et plus particulièrement, sur une réponse partielle à une conjecture qui date du début du 20ème siècle qui parle de la possible densité de certaines fractions rationnelles. Malgré le contexte sanitaire que nous connaissons, j’ai pu faire beaucoup de rencontres (mathématiques ou non) avec des personnes de tous les coins du monde lors de mes déplacements. Surtout que les conférences sont accompagnées d’un bon repas et qu’il n’y rien de mieux d’une bonne bière après une journée de séminaires ou d’exposés !
Enfin, je suis également moniteur et la partie enseignement m’apporte beaucoup dans mon travail et ça forge pas mal de se retrouver devant les étudiants. Cela me conforte dans l’idée de continuer à enseigner, affaire à suivre !
Je vous remercie pour la lecture de cet article. C’est avec plaisir que je répondrai à vos questions, vous pouvez me contacter via le discord de la prépa. Peut-être que nous aurons l’occasion de nous croiser si vous venez faire des maths à l’UPJV ou si vous passez par Amiens, portez vous bien en ces temps difficiles.
Clément Lefèvre